Par Angélica Liddell

L’astéroïde 3318 Blixen appartient à la ceinture d’astéroïdes du système solaire, entre Mars (Dieu de la guerre) et Jupiter (Dieu des dieux), et il a été découvert le 23 avril 1985 depuis l’observatoire Brorfelde au Danemark. Son nom était un hommage à la baronne danoise Karen Blixen, plus connue sous son pseudonyme d’écrivain Isak Dinesen, à l’occasion de son centenaire. Karen Blixen a promis son âme au diable, en échange de quoi le diable lui a promis que tout ce qu’elle vivrait désormais deviendrait une histoire. Voilà mon rapport à l’écriture et à la vengeance.

Cette histoire est celle d’un pacte avec le diable. Une histoire dérobée au réel pour l’amener au mythe et la purifier.

La haine aide à résister, dit Marguerite Duras, mais on ne peut se permettre la vengeance que dans la « représentation », en abusant du pouvoir de la poésie à travers la forme tragique.

En me remettant à Isak Dinesen, Maya Deren, Hermann Nitsch et Bach, en mettant à l’épreuve le pouvoir magique des désirs et des rites, je présente cet itinéraire fatal vers mes propres funérailles, invincible et inévitable, à cause d’une erreur fatale ou « hamartia » contre un destin ou « fatum ». Au lieu de démembrer des enfants, j’écris.

Mes vengeances sont des rites, des sacrifices esthétiques sur l’autel de l’incompréhensible. L’écriture peut être immorale car elle a la même influence que les rêves. Rien de ce que je dirai ne me réparera, si ce n’est le rite.

Quand le Mal se traduit en esthétique, le mal réel disparaît en même temps qu’il nous complète.

« On scelle un pacte avec le diable afin qu’il nous accorde le don de la parole. L’écriture est un don qui nous est concédé depuis l’inframonde. Tous les dons de l’art proviennent de ce pacte. En échange, quelqu’un doit souffrir. Le diable m’a promis une œuvre, et en retour je dois souhaiter le malheur d’une personne chaque jour de ma vie. Je dois lui livrer quelqu’un en sacrifice. Il est bien connu que quiconque souhaite le malheur des autres invoque son propre malheur. C’est ça, l’écriture. Écrire est notre malheur. Nous répondons à l’énigme, mais nous ignorons l’énigme qui est en nous. “Tu es l’assassine que tu recherches”, me dirait Tirésias. Notre regard est approprié jusqu’à ce qu’il devienne sombre en nous connaissant ».