J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne

Préface d’Alexandra Moreira da Silva
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne

« Je regardais le ciel ». Signes et intersignes

Par Alicia Devaux-Rodriguez

Résumé

Cet article a pour objectif d’étudier, dans une perspective ethno­critique, les oralités de malheur dans le théâtre de Jean-Luc Lagarce, écrivain consacré par la Comédie française. Nous nous arrêterons en particulier sur son avant-dernière œuvre centrée sur la thématique du retour du fils prodigue : J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne. Notre article aborde deux axes. Le premier concerne la grande « famille tragique » lagarcienne et montre comment la malédiction paternelle a provoqué le départ du fils et endeuillé la demeure sans que son retour change la situation des femmes de la maison ; le deuxième aborde le malheur et l’impossible bonheur et questionne la liminarité des personnages au parcours initiatique inachevé. Ces personnages de l’entre-deux mondes présentent une pavane rituelle et nous permettent d’explorer les marges du théâtre hétérotopique lagarcien. Ainsi, par cette dramaturgie de l’attente et du malheur, J.-L. Lagarce renoue avec la choralité antique et retrouve les oralités des cultes funéraires.

Plan

La grande « famille tragique »
« Ce que je raconte » (p. 242)

La remémoration de la « Malédiction »
Le retour du jeune frère et l’impossible bonheur
Les « Belles éplorées » (p. 265)
« Des femmes gémissantes »
Une pavane rituelle

Source : Oralités de bonheur, oralités de malheur In Revue Cahiers de littérature Orale, N° 93, 2003

Note de la Rédaction

Les oralités de malheur et de bonheur sont des énoncés et des gestes performatifs qui font la fortune et l’infortune. Ainsi, à l’imprécation, à la malédiction, etc., signes d’un mauvais sort, peuvent répondre bénédictions, voeux et autres formulations magiques qui portent bonheur.

Ce numéro considère ces oralités comme des opérations langagières rituelles en quête d’efficacité pratique et symbolique. Les études présentées s’intéressent à des genres de discours et à des univers culturels variés : théâtre antique (Sophocle) ou très contemporain (Lagarce), folklore afroaméricain (Hurston) ou chants et proverbes sénoufo (Côte d’Ivoire), oralités des récits d’auteur revisité (Maupassant) ou d’autrice enfin redécouverte (G. de Peyrebrune). C’est à une originale anthropologie de ces amulettes verbales que nous sommes invité.es.