Théâtre 2021-2023 (Est ; Lune ; 4 ; Fantômes ; Qu’est-ce qu’ils disent ?)
Présentation des textes
Ce volume fait suite à Théâtre 2018-2020 et présente cinq pièces inédites de Philippe Minyana écrites entre 2021 et 2023.
Est
Celui qui parle revient de la guerre, l’âme blessée ; celui qui est dans l’ombre l’écoute, il est malade. Se tisse alors une sorte d’alliance. « Dis donc on a plein de goûts en commun. » Leurs souvenirs consolent. L’homme dans l’ombre est instituteur ; l’autre veut retrouver le pays natal… Alors ils y vont tous deux. Le guerrier y a une partie de sa famille. Les voilà : les voisins, le filleul… On est à la campagne. Le soir tombe et eux « se tiennent assis, en silence, concentrés, en attente de ce qui va suivre »…
Lune
La fille raconte sa vie ou plutôt ces événements si marquants qu’on ne les oublie pas… Elle montre des photos (photos de famille), elle se remémore : « La mémoire, poire pour la soif… » La campagne encore, scènes de la vie courante mais en détail. Elle dévide le temps : la mère, le père, la parentèle… Refrains connus, les sens en alerte, les lumières d’août, les chansons anciennes, les mots qu’on n’oublie pas… Parfois, elle lit les petits mots qu’on a gardés… C’est le fameux puzzle des souvenirs, tous les souvenirs : la joie, le bonheur… « Tout me revenait comme une image un peu floue… »
Ensuite, eh bien, c’est le retour au présent : elle a une fillette, elle va la retrouver…
« Alors j’ai pensé à tous mes morts et j’ai marché à grands pas. »
Une histoire, comme une chanson connue…
4
Quatre jeunes acteurs, à Paris, se fréquentent, racontent… Et voilà « le jeune mort », « le vieillard qui meure », « l’arbre sacré », « la forêt où on se blesse »… C’est comme un conte ou bien c’est un cauchemar… Ils font des visites. Sur le mur de la maison du copain, une photo s’anime et parle… Quatre jeunes d’environ 30 ans. Tous ont en commun le théâtre et, surtout, « le refuge » : la maison des grands-pères. Et, là, ils font de la peinture… Trois célibataires… L’autre a femme et enfant. Ils s’aiment beaucoup, à tel point qu’ils ne s’épargnent pas. Quand on aime, on sort les griffes… C’est un conte moral que ce « roman théâtral », un portrait de groupe. Qu’est-ce qu’on veut quand on a 30 ans ? Qu’est-ce qui fait peur ? Qu’est-ce qu’on espère ? On les voit, comme en gros plan, vivants, rigolos, têtes à claques… Et c’est grâce au théâtre qu’on les écoute, et il me semble qu’on les aime bien. Ils s’appellent Gré, Rob, Gui et le dernier joue tant de rôles qu’on ne sait comment il s’appelle…
Fantômes
L’ami va dans le Jura : il rend visite à son copain d’enfance… Retrouvailles, aveux, confessions… Et petites bouffes… Et les paysages…
Et des photos, plein de photos : une biographie à travers les photos… Le Jurassien, de l’enfance à l’âge adulte.
Et la tragédie : la mère a déconné, elle a attenté à sa vie… Descriptions des photos… Les photos vivent, sont de fameux témoins… Elles disent tout : l’époque, l’horaire, le climat… et pourquoi pas l’odeur ! Les filles sur la photo vont dans leur boutique. Ça doit sentir la pisse de chat… C’est un voyage dans l’intimité du Jurassien qui a vieilli, qui vit seul, qui cherche la joie…
Et puis les deux amis font un voyage ; le Jurassien veut montrer à son ami sa maison natale… Aie ! son paysage a disparu : la maison natale qui a été vendue est méconnaissance…
Et voilà une petite épopée intime familière. Ça se passe aujourd’hui et on dirait que ces deux-là on les connaît, on les a connus...
Qu’est-ce qu’ils disent ?
Trois seniors, trois amis. Ils se connaissent depuis toujours. Ils ont fait du théâtre. Deux d’entre eux sont en couple, ils ont eu des enfants. La troisième est libre, elle est leur amie. Le temps est si vite passé. « Et toujours cette fatigue de vieille chienne épuisée », dit celle qui est en couple… Alors commence « la mise à mort ». L’une dit : « Vous êtes des porcs bien élevés », l’autre dit : « Une vie entière à se faire chier avec cette pouffiasse. » Quelqu’un dit : « Elle abandonne la vie… » Chants du cygne… Faux suicide… Et il y en deux autres : un jeune couple ; elle attend un enfant. Le veut-elle ? Le monde serait-il une catastrophe ? C’est une farce amère qui se joue là… Ils disent des horreurs, ils adorent ça. Et nous on les écoute, sidérés.
Créations
Fantômes sera créée au Théâtre de la Ville le 27 février 2024 dans une mise en scène de Laurent Charpentier avec lui-même et Hugues Quester.
Lune sera mise en scène par Caroline Duffau avec Sarah Biasini (date et lieu à venir).
Presse
À propos de Fantômes créé par Laurent Charpentier du 27 février au 9 mars 2024 au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, Paris.
Un univers qui dépasse les limites du réalisme pour éclairer l’inconscient des êtres et l’invisible du monde
« Nous avons adapté ce texte inédit pour lui donner toute son oralité et sa vie, confie le comédien et metteur en scène Laurent Charpentier, tout en lui conservant – c’est précieux à mes yeux – sa texture poétique, parfois littéraire, son rythme délicat par lequel la parole prend le temps de se déployer et de créer, dans la langue de Philippe, plus ciselée que jamais, des phrases qui touchent au cœur de l’intime. »
[Manuel Piolat Soleymat, la terrasse, février 2024]
Les trois TTT de Télérama, parmi les meilleurs spectacle à Paris en mars 2024
Une langue pleine de rythmes, de matières et de chair.
[Fabienne Pascaud, Télérama, mars 2024]
L’art de Minyana magnifié avec une infinie délicatesse
C’est toute l’œuvre de Philippe Minyana qui pourrait être placée sous l’égide – le regard ? – du mot. Cette fois-ci l’auteur nous plonge d’emblée dans cet obscur paysage de fantômes, sans fard ou détour, et c’est admirable dans son apparente simplicité, dans ce temps, théâtral ici, issu d’un autre temps non défini, celui d’une écriture libre.
[Jean-Pierre Han, revue Frictions, mars 2024]
On est happé par ces vies minuscules
Philippe Minyana offre à ses comédiens sa langue syncopée.
[Sylvie Boursier, Un fauteuil pour l'orchestre, février 2024]
Un moment simple, bref, un moment rare et aussi ténu apparemment que puissant et profond
Philippe Minyana a écrit Fantômes il y a peu. On le connaît depuis ses tout débuts et l’on a toujours été sensible à ses écrits. Ses pièces, très délicates, souvent bouleversantes, et parfois très drôles, constituent l’une des œuvres très intéressantes de la littérature française contemporaine.
[Armelle Héliot, Le Journal d'Armelle Héliot, mars 2024]
Le théâtre, tout simplement
Le fondement, c'est le texte. Et l'on a découvert avec Inventaires (1987) le talent, la force de Philippe Minyana à aller chercher dans la vie la plus privée, la plus collée à la peau, quelque chose d'universel.
[Christine Friedel, Théâtre du blog, mars 2024]