Beaucoup de bruit pour rien
Extrait
Pourquoi ? Mais quoi, toute chose terrestre
Ne crie-t-elle sa honte ? A-t-elle pu
Nier l’histoire imprimée dans son sang ?
Non, n’ouvre plus les yeux, Héro, sois morte.
Si je ne te pensais agonisante,
Si je croyais que ta conscience allait
Résister à tes hontes, c’est moi-même,
Comme un dernier renfort de tes remords,
Qui frapperais ta vie. Et j’étais triste
De n’en avoir qu’un seul ? Et j’en voulais
À la frugalité de la nature ?
Tu étais une en trop–pourquoi rien qu’une ?
Pourquoi as-tu toujours été aimable
À mes regards ? Pourquoi, par charité,
N’ai-je pas recueilli l’enfant d’un pauvre,
Dont, s’il se fût ainsi souillé d’ordure,
J’aurais pu dire : « Rien de moi n’est sale,
C’est de reins inconnus que vient la honte. »
Extrait de la préface
« Écrite dans les dernières années du règne d’Elizabeth, en 1598, Beaucoup de bruit pour rien est la première des pièces que Shakespeare consacre plus particulièrement à la Rumeur. D’Othello (1603) au Conte d’hiver (1610) en passant par Cymbeline (1609), les chuchotements de la calomnie sèment la haine, la jalousie et la mort. […] Mais son traitement dans cette comédie est différent de ce que l’on va trouver ailleurs, car si la Rumeur est calomnie et entraîne l’action vers la tragédie, elle peut aussi avoir des effets positifs. »
Margaret Jones-Davies