Nord infini (suivi de) La Cavale
"On avait monté des grands tas de charbon, et des montagnes noires émergent encore de nos landes. On avait construit des manoirs en brique rouge, des châteaux bien chauffés pour les patrons, mais les patrons n’aimaient plus leurs mines, ni leurs usines, ni leurs châteaux, ils sont partis, ils ont éteint les feux dans la terre et ceux des grandes cheminées industrielles en forme de tube en briques orange et les feux dans les cheminées en pierre des châteaux. Ils ont abandonné leurs montagnes de charbon noir et leurs châteaux de briques rouges qui tombent en ruines. Le sol est redevenu froid, le givre est revenu se poser sur l’herbe noire. Allumez votre radiateur dans votre chambre, Clothilde, car le Nord ne chauffe plus."
in Nord infini
"Cette fuite, cette Cavale, je ne sais pas si je l’ai vécue. Elle me vient parfois à l’esprit quand je marche, quand je rêve, quand je tremble ; je ne l’attends jamais, elle surgit comme un souvenir. Je ne peux la convoquer car je ne la comprends pas, je ne la saisis pas. Elle se déroule dans l’obscurité, à la toute fin du crépuscule, et me terrifie. Elle me paralyse tellement que quand ses images et sa panique prennent forme sur la surface dans mon lac mental, je les reconnais, et même si je suis occupée, ou entourée, même si je parle à quelqu’un, je me tais et m’immobilise, je plonge dans le lac, j’entre en moi-même jusqu’à ce que les images se dissipent."
in La Cavale
Présentation
Nord infini
Clothilde, jeune biologiste, part en mission dans le Nord pour effectuer des relevés biométriques sur plusieurs terrains d’usines désaffectés. Nord infini raconte l’histoire de ses recherches scientifiques, de ses rencontres, de son immersion progressive dans des territoires pollués, de la fascination croissante qu’elle éprouve pour des lieux et des êtres souillés, et enfin de l’abandon de son ancienne existence confortable pour approfondir ses recherches et rendre publics les niveaux de contamination qu’elle relève.
Les relevés biométriques, directement inspirés des fiches Géorisques publiées par le ministère de l’Environnement, figurent dans le texte de la pièce. Au-delà de la démarche scientifique et politique de Clothilde, le personnage principal, Nord infini rend compte de la beauté étrange que ces paysages recèlent, et de la fascination qu’ils finissent par exercer sur elle.
Noham Selcer est professeur de mathématiques et auteur de plusieurs pièces suite notamment à son passage à l'École du Nord (section auteur), son premier paraîtra en janvier 2024 aux éditions Gallimard.
Il a sillonné pendant quatre ans le nord de la France. Nord infini est la pièce qui rend compte de cette exploration, à la fois intime et scientifique.
La Cavale
Il s’agit du monologue d’une femme s’imaginant poursuivie par une meute d’hommes, de loups et de chiens. Cette poursuite, elle l’appelle “la Cavale” ; depuis qu’elle est petite, cette image d’elle fuyant cette horde lui revient à l’esprit et la paralyse. Une nuit, elle décide de l’affronter, de partir à la recherche de cette Cavale pour la comprendre. En remontant à ses origines, elle découvre que cette fuite qu’elle convoque, n’est pas la peur spécifique d’une chose concrète et extérieure : c’est une peur plus vaste, plus profonde, la peur qui se loge en chacun de nous, un héritage intérieur qui ne nous est ni transmis par l’expérience ni par l’éducation mais par l’amalgame, sans notion ni langage, de toutes les peurs de ceux qui nous ont précédés.
À travers cette image de la Cavale, de cette fuite, l’auteur explore l’idée d’une peur première, qui existerait hors de toute expérience et de toute notion.
Création
La Cavale sera créée du 13 au 23 novembre 2024 au Théâtre de l’Athénée, par Ambre Febvre dans une mise en scène de Jonathan Mallard.
Dans la presse
Une écriture à découvrir, à laquelle s’attacher sans conteste
Noham Selcer vient de publier son premier roman chez Gallimard, Les Chaînes de Markov., et les deux textes forts – Nord infini suivi de La Cavale – publiés aujourd’hui par Les Solitaires intempestifs affirment la singularité de cette écriture.
[Véronique Hotte, hottello, mai 2024]