Le Funiculaire

C'est une partition à trois voix. Trois femmes parlent, trois filles. Elles transcrivent et recomposent un monde dont les points de repère seraient: Violettes impériales, sainte Rita de Caccia, les actualités au cinéma, les photos marron que le grand-père a ramenées des Dardanelles, Point de vue et images du monde.
L'une, Delphine, prend des pilules de céréales grecques pour engraisser et se badigeonne les cuisses à la panne de porc pour qu'elles ne s'irritent pas en frottant l'une contre l'autre.
L'autre, Agathe, a deux yeux qui lui mangent la figure, des seins qui ne poussent pas, et le regard toujours baissé, juste à la hauteur de la braguette des garçons.
La troisième, Solange, est une artiste : elle dessine des fleurs sur le corps de Delphine et chante des opérettes de Luis Mariano avec " la voix de tous les jours ".

Création au théâtre des Bernardines à Marseille en décembre 1991, dans une mise en scène d'Alain Fourneau.

Il y a de la province dans l'écriture de Joubert, une province à la Simenon, une province du début de la Radio Télévision française. Il y a l'étouffement du péché. Le péché de vivre ou de penser simplement, comme le dit Delphine, que " le plaisir et le cœur, sûr, ça va pas ensemble ".

Sous des airs de candeur ordinaire Suzanne Joubert nous donne une leçon de théâtre, pas de contorsion, pas d'outrance ni de pédante abstraction, simplement: la chimère.

La famille va à vau-l'eau et les rêves lus dans Vue et Images remontent péniblement le funiculaire cahotique de la réalité.