Du luxe et de l'impuissance
Présentation
Ce volume est composé d'articles et d'éditoriaux de Jean-Luc Lagarce pour des théâtres, le programme de saison de La Roulotte (Cie Jean-Luc Lagarce) et des revues. Il est établi d'après l'ordre chronologique d'écriture des textes.
Extrait
Raconter le Monde, ma part misérable et infime du Monde, la part qui me revient, l'écrire et la mettre en scène, en construire à peine, une fois encore, l'éclair, la dureté, en dire avec lucidité l'évidence. Montrer sur le théâtre la force exacte qui nous saisit parfois, cela, exactement cela, les hommes et les femmes tels qu'ils sont, la beauté et l'horreur de leurs échanges et la mélancolie aussitôt qui les prend lorsque cette beauté et cette horreur se perdent, s'enfuient et cherchent à se détruire elles-mêmes, effrayées de leurs propres démons. Dire aux autres, s'avancer dans la lumière et redire aux autres, une fois encore, la grâce suspendue de la rencontre, l'arrêt entre deux êtres, l'instant exact de l'amour, la douceur infinie de l'apaisement, tenter de dire à voix basse la pureté parfaite de la Mort à l'œuvre, le refus de la peur, et le hurlement pourtant, soudain, de la haine, le cri, notre panique et notre détresse d'enfant, et se cacher la tête entre les mains, et la lassitude des corps après le désir, la fatigue après la souffrance et l'épuisement après la terreur.
In, Comment j'écris
La presse
Un riche aperçu sur la création et l’engagement de l’écrivain metteur en scène.
Dans Du luxe et de l’impuissance, notamment, où se manifeste un rapport au monde marqué par le doute qui doit trouver une tentative de guérison dans l’écriture, exacte et intransigeante : « Raconter le Monde, ma part misérable et infime du Monde, la part qui me revient, l’écrire et la mettre en scène, en construire à peine, une fois encore, l’éclair, la dureté, en dire avec lucidité l’évidence. »
[Etienne Leterrier-Grimal, Le Matricule des Anges n° 95, juillet 2008]
À propos de l'installation sonore de Karina Ketz & Jean-Luc Terrade, création 2023.
Nous ne sommes plus seuls – quelque chose est là – c’est certain maintenant.
Viendront ces voix, ces échos, ces chuchotements, ces réminiscences de chansons, tissées comme une partition fantomatique qui, liant les mots des morts à la voix des vivants – les mots de Jean-Luc Lagarce auxquels s’entremêlent ceux de Jean-Luc Terrade – composeront une litanie vertigineuse pour nous donner à entendre, sinon comprendre, le rabâchement d’une vie, de ces vies passées consumées par ce grand feu d’hésitation qu’elles furent.
[Nicolas Meusnier, Diacritik, mars 2024]