Les yeux rouges
Présentation
Il fallait partir sur les routes. Aller faire des meetings! Ah ! Mon Dieu ! On m'a dit: tu viens avec nous, et tu parleras, il faut que tu parles au micro, il faut que tu expliques. Même si tu ne dis qu'une phrase, il faut que tu la dises, il faut que tu arrives à t'exprimer sur ce que tu vis là! Parce que c'est important pour les autres! On va les rencontrer. Il faut qu'on explique, nous les ouvriers, pourquoi on fait cela, pourquoi on a relancé les chaînes d'horlogerie, pourquoi on a fabriqué, pourquoi on a vendu, il faut aller expliquer aux autres gens ! J'avais le cœur qui tapait. La première fois, je n'entendais même pas ce que je disais. Vous vous rendez compte, le chemin qu'il y a eu? Non seulement ça, il fallait aussi expliquer. Ça dépendait des gens qu'il y avait dans la salle, je ne veux pas dire du public, puisque ce n'était pas un spectacle. Mais, il y avait des fois, si ! Ça ressemblait à un spectacle! Je me souviens à la Mutualité à Paris, je suis montée avec des militants de je ne sais plus quel groupe. J'en ai tellement côtoyé! On était sur une tribune avec les lumières, on prenait la parole. Je me souviens des applaudissements. Je ne sais pas ce que je pouvais dire à l'époque. Sûrement des trucs qui devaient faire rire. Ben, avec la façon dont je les ressentais, quoi. Mais les gens étaient enthousiastes ! En même temps, je n'arrivais pas à comprendre pourquoi ils étaient enthousiastes. (...)
La presse
Ce qui est beau, poignant même à mesure que le spectacle avance, ce n'est pas la nostalgie mais le présent. Très loin de l'image d'Épinal et de la nostalgie des anciens combattants (même si tous se souviennent de « l'enthousiasme », de « l'étincelle », du « bouleversement »), Les yeux rouges donnent surtout la mesure de la violence des 25 ans de crise qui ont suivi.
René Solis, Libération, 11 octobre 1998